Akha, l’application qui permet d’éviter les contrôleurs dans le métro et le train, crée la polémique. Accusée de faciliter la fraude et de mettre en danger les agents RATP, elle explose les téléchargements malgré les tentatives d’interdiction des autorités.
Akha, l’appli qui fait trembler la RATP : pourquoi les autorités veulent l’interdire ?

Lancée discrètement en 2023, l’application Akha permet de signaler en temps réel la présence de contrôleurs dans les transports parisiens. Son succès a explosé depuis que les médias ont dévoilé ses fonctionnalités. Utilisée pour éviter les amendes, elle est dénoncée par les autorités comme un risque pour la sécurité des agents et une incitation à la fraude. Valérie Pécresse réclame son interdiction immédiate. Mais cette appli communautaire pose une question majeure : jusqu’où doit-on encadrer l’usage des outils numériques dans l’espace public ?
Akha : un outil communautaire inspiré de waze
L'application Akha, dont le nom fait référence au cri d'alerte des guetteurs dans les quartiers sensibles, fonctionne sur le principe participatif, similaire à celui de Waze. Les utilisateurs peuvent signaler différents incidents dans les transports en commun, notamment des retards, des agressions, des pannes ou encore la présence de contrôleurs.
Disponible sur le Play Store et l'App Store, Akha a été téléchargée plus de 130 000 fois, selon des estimations récentes. En pratique, l'application permet aux utilisateurs d'éviter les contrôles en affichant sur une carte les lieux où les contrôleurs ont été repérés. Certains utilisateurs la qualifient de « pratique 175 » pour ceux qui ne peuvent pas toujours payer leur abonnement. D'autres soulignent son utilité pour signaler des situations dangereuses, comme la présence de pickpockets ou d'agresseurs dans les transports.
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Cependant, le signalement des contrôleurs pose un problème juridique. L'article L2242-10 du Code des transports interdit de diffuser des informations sur la présence d'agents de contrôle. Cette infraction est passible de deux mois de prison et de 3 750 euros d'amende. Face à cela, les autorités, notamment Île-de-France Mobilités, ont décidé de réagir.
Selon Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et d'Île-de-France Mobilités, l'application facilite la fraude, estimée à 700 millions d'euros de pertes annuelles. La présidente a annoncé des mises en demeure adressées à Apple, Google et au développeur de l'application, Sid Ahmed Mekhiche, afin de retirer Akha des plateformes de téléchargement.
Des craintes pour la sécurité des agents ratp
Au-delà des considérations économiques, les autorités expriment des inquiétudes pour la sécurité des agents de contrôle. Certains redoutent que l'application puisse servir à tendre des guets-apens. Grégoire de Lasteyrie, vice-président d'Île-de-France Mobilités, estime que la localisation des contrôleurs peut exposer ces derniers à des agressions.
Sur le terrain, les syndicats de la RATP partagent ces préoccupations. Cyril Manach, délégué syndical FO RATP, s'inquiète de voir des agents pris pour cible après des verbalisations : "Cela peut être vecteur d'agression. Il suffit qu'un usager se fasse verbaliser pour vouloir se venger." Les autorités rappellent que, dans certains cas, les contrôleurs travaillent en équipe réduite, ce qui peut accroître leur vulnérabilité.
En réponse aux critiques, le développeur de l'application, Sid Ahmed Mekhiche, a affirmé que son intention n'était pas de faciliter la fraude, mais de créer un outil d'entraide pour les usagers. Il dénonce les accusations portées contre lui comme étant "sans fondement" et propose un dialogue avec les autorités pour améliorer la modération sur sa plateforme.
Malgré les critiques, Akha reste pour le moment disponible sur les plateformes de téléchargement. Certains estiment que la médiatisation de l'affaire a renforcé l'intérêt pour l'application, en créant un effet Streisand, où les tentatives de censure génèrent plus d'attention sur le sujet.
Alors que le débat sur Akha se poursuit, cette polémique pose une question de fond : jusqu'où peut-on aller dans la digitalisation des services communautaires sans enfreindre la loi ni compromettre la sécurité publique ?